Le cynisme des politiques est une intarissable source de… consternation. Donnedieu de Vabres met le hip-hop à l’honneur au Grand palais et ne se prive pas de venir sur tous les plateaux télés pour en parler. Avec sa loi liberticide DADVSI, Donnedieu s’est mis à dos une bonne partie de la jeunesse. Pour les reconquérir, voilà qu’il use d’un stratagème gros comme une montagne : s’associer au hip-hop. Jack Lang est devenu le plus populaire des ministres de la culture auprès des jeunes en partie parce qu’il défendait la techno et le hip-hop à une époque où ces courants avaient plutôt mauvaise presse. Sans grande imagination, RDDV repique la recette de Lang, espérant sans doute redorer son blason à peu de frais.
Passons sur le fait qu'il est aussi crédible quand on l'entend parler de hip-hop qu'une Ségolène Royal dissertant sur le death metal ou un Philippe de Villiers sur la techno hardcore. Non, le plus absurde, dans tout ça… c’est que RDDV, après avoir combattu le p2p, vient faire l’apologie du hip-hop, style fondé sur le « piratage » de musique par les samples ! Comment se fait-il que personne n’interpelle le « pourfendeur du p2p » sur l’ironie de sa défense d’un style dont les premiers groupes, n’ayant pour la plupart pas de quoi se payer des instruments et des cours, s’appropriaient des musiques déjà enregistrées pour créer les leurs.
Encore mieux (ou pire…), RDDV déclare que sa volonté est de créer des passerelles, de faire en sorte que les gens qui écoutent du classique découvrent le rap, ou que ceux qui écoutent du hip-hop s’initient à Mozart et Beethoven. Vœu pieux, auquel on ne peut que souscrire. Mais sait-il que l’écrasante majorité de la population française n’a pas les moyens ni la disponibilité pour se rendre au Grand Palais ? Car s’il est bien un outil idéal pour s’ouvrir à d’autres musiques, c’est le p2p !
Quel jeune fan de hip-hop va prendre le risque de claquer son pognon dans l’achat de disques classiques, juste pour découvrir ? Imaginons qu’il se rende chez un disquaire… il voit un CD de symphonies de Mozart, « Symphonies » et « Mozart » sont deux termes qui le mettent en confiance, il l’achète… et quelle ne sera pas sa déception et son ennui à l’écoute de ses symphonies qui, il faut le reconnaître, ne sont pas ce qu’il y a de plus accessible pour des oreilles non-averties. Peu de chance de le voir à nouveau traîner du côté du rayon classique, il y a toutes les chances qu’il se dise : « j’ai acheté des symphonies de Mozart, j’ai pas du tout aimé, j’ai perdu 15 euros dans l’affaire, je ne me ferais plus avoir ». Par contre, s’il utilise le p2p, il pourra se dire « essayons autre chose, ça ne coûte rien ». Il télécharge les symphonies 4 et 5 de Beethoven, passe rapidement la 4°, à laquelle il n’accroche pas, et se retrouve saisi par la 5° et sa puissance, son énergie, son thème familier et sa force rythmique. Enthousiaste, il continuera à télécharger des œuvres classiques, et il ne serait pas étonnant de le voir traîner plus tard dans le rayon classique parce qu’un orchestre symphonique en mp3, ça perd tout de même en qualité sonore…
Ce n’est qu’un exemple… mais il est évident que personne ne sera prêt à faire l’effort de dépenser pour des musiques sans savoir s’il pourra ou non les apprécier. A moins que RDDV ne s’adresse qu’à ses riches amis pour lesquels avoir perdu du pognon dans l’achat de CD n’a que peu d’incidence sur leur budget.
Si Donnedieu tient tant que ça à élargir les horizons musicaux de ses compatriotes, qu’il sache qu’à la question : quel moyen vous a permis ces dernières années de vous initier à des musiques nouvelles : la télé, la radio, les disquaires, les expos du Grand Palais ou le peer-to-peer, nul doute que ce dernier apparaîtra comme le plus efficace !