Peu d’articles ces temps-ci, mais là, j’ai une sacrée bonne excuse : un congrès à Rome… où j’ai eu la chance incroyable de voir en personne le grand, l’immense, le génial… Ennio Morricone !
Morricone fait partie du « comité artistique » de la fac de lettre et philosophie de Rome et sa conférence était donnée dans le grand auditorium de la fac, qui porte d’ailleurs son nom… Morricone ne parle pas anglais, un comble tout de même pour un homme qui a une telle carrière internationale, mais sa communication et les questions qui suivaient étaient heureusement traduites. L’essentiel de sa communication et des questions concernaient – pas très étonnant – ses musiques de films. Il a d’abord parlé de ses rapports aux musiques de films, de périodes de doutes, voire de crise, qu’il a connu, les studios n’acceptant pas toujours qu’il expérimente. Il s’est particulièrement étendu sur un projet qu’il avait avec Pasolini : faire des musiques de films… sans films. Il a terminé par la lecture d’un texte de Pasolini.
Après… ce furent au tour des questions. Bien évidemment, je crevais d’envie de lui en poser. Ils étaient 6 ou 7 à y aller de leurs questions, souvent assez longues, avec des réponses aussi généreuses de Morricone (sans compter qu’il fallait lui traduire les questions puis traduire ensuite ses réponses). J’arrive enfin à chopper le micro, j’ai ma question bien en tête… quand le directeur-traducteur de la séance se tourne vers Morricone et lui demande s’il veut arrêter là (il a tout de même 78 ans). Morricone répond que oui, je suis dépité mais lève malgré tout le micro, le directeur de séance me voit, demande à Morricone s’il accepterait encore une petite question, Morricone répond « oui, mais une toute petite ». Du coup, je suis un peu mal à l’aise puisque ma question était à rallonge et concernait en plus sa collaboration avec Leone - le genre de questions dont il est peut-être un peu lassé car on doit lui rabattre systématiquement les oreilles avec Leone. J’allais tout de même pas changer au dernier moment pour le premier truc qui me passe par la tête, du style « Il est sympa, Clint Eastwood ? » donc je lui pose quand même (elle concernait la musique qui transcende le visuel et propose un autre sens au film, notamment The Ecstasy of gold dans le bon, la brute et et le truand). A la fin de mon interminable question, il ironise sur « c’était ça la question brève ? », explique 2-3 trucs, chantonne le thème du film (inspiré par le cri du coyote) et, divine surprise, alors qu’on n'y croyait plus, il va se mettre derrière le piano, sous les applaudissements, et nous joue un autre extrait du film. Bref, j’ai donc l’honneur à la fois d’avoir légèrement emmerdé « il maestro Morricone », et de l’avoir fait lever de sa chaise pour nous (enfin, je préfère penser « me ») jouer un bout de Le bon, la brute et le truand, un des films qui a le plus marqué mon enfance.
Rome est une ville pleine de superbes monuments… mais aucun ne m’a fait autant d’effets que l’immense Morricone au piano !
Vidéo de cette formidable scène, où le truand "affreux, sale et méchant" court dans tous les sens pour récupérer l'or caché dans le cimetière... accompagné par cette musique en total décalage avec ce que l'on nous montre, car lyrique, grandiose avec une voix féminine très pure et éthérée :
Du grand Morricone (et du grand Leone, bien sûr...)