Si, comme moi, vous n’êtes pas fana de films gore et d’horreur – sans être totalement réfractaire ni défaillir à la moindre goûte de sang -, si vous n’exultez pas à l’idée de voir une bande de cannibales irradiés par des essais nucléaires s’en prendre à une famille en vacances… ne fuyez pas pour autant cette Colline.
Bien sûr, c’est un film d’horreur sanguinolent, qui demande un cœur bien accroché… mais ce n’est pas que ça. Ou, du moins, c’est beaucoup mieux que ça. Je parlais il y a peu du dernier album de Venus, formidable sans pour autant révolutionner quoi que ce soit. C’est un peu dans cette lignée (même si la comparaison entre les deux est tirée par les cheveux) que se retrouve La Colline a des Yeux. Rien de véritablement novateur… cependant, la maîtrise, l’inspiration et l’efficacité en font un chef-d’œuvre du genre.
Tous les ingrédients habituels sont là… mais la mayonnaise prend comme jamais. Si le film est un pur produit américain, d’un genre spécifiquement américain, il est… réalisé par un français ! Un jeune français, Alexandre Aja, qui va aux EU faire un remake d’un film de Wes Craven (un des maîtres du genre), dépassant de loin l’original (de l’avis de la critique) et qui donne une véritable leçon de cinéma d’horreur à ses pairs, c’est assez remarquable. Avec le révérend Frost, cela fait donc deux français cette année qui viennent marcher sur les plates-bandes des américains sans avoir à rougir…
Après X-Men 3, La Colline a des Yeux est le second film cette année à mettre en scène des mutants. Mais au politiquement correct du blockbuster X-Men (il faut tolérer les différences, ne pas se laisser corrompre par ses " pouvoirs "…), La Colline a des Yeux oppose une amoralité sarcastique et jubilatoire. On n’essaie pas de comprendre " l’autre ", juste de le détruire. Et cela dans les deux camps. Ajoutons un démocrate allergique aux armes qui se transforme en boucher sanguinaire, une fillette qui fait dans l’eugénisme (par son sacrifice)… mais pas de quoi hurler à la propagande fasciste. Loin de là. Comme dans la plupart des films du genre, le mauvais esprit et la transgression sont la règle. Ce serait tout de même le comble que de demander à un film d’horreur d’être consensuel, pédagogique ou " bien-pensant ". Rien à voir non plus avec les films d’action hyper-manichéens et fascisants de série B où des héros body-buildés dessoudent à tout va au nom de la justice, de la vérité, du travail, de la famille, de la patrie etc,etc.
La Colline a des Yeux lorgne parfois vers le " film gore ", sans pour autant tomber dans le ridicule. Les films gore sont en règle générale à la fois répugnants, grotesques et drôles (pas toujours volontairement) et ne font qu’assez rarement peur. On les regarde plus avec un rictus de dégoût que tétanisé par l’angoisse. Les rictus de dégoût sont inévitables à la vision de certaines scènes de La Colline a des Yeux, mais l’effroi y est beaucoup plus présent et terrifiant. Ainsi, la première partie du film amène avec brio une intense sensation de malaise qui ne vous lâchera plus jusqu’à la fin.
Le film, donc, ne révolutionne pas le genre… mais le réalisateur, comme c’est souvent le cas chez les meilleurs, réussit à faire d’un handicap une force. Il est plus facile de susciter la peur au cœur de la nuit, dans un château des Carpathes, une vaste et sombre forêt, les brumes anglaises hivernales… pourtant, l’action se situe ici en plein jour, sous un soleil de plomb et dans le désert. Certes, une des scènes les plus éprouvantes se déroule pendant la nuit, mais elle est bien la seule. Un film d’horreur caniculaire… qui vous glacera le sang.
La Colline a des yeux ****
(The Hills have Eyes)
Alexandre Aja
Avec Aaron Stanford, Kathleen Quinlan, Vinessa Shaw, Emilie de Ravin, Dan Byrd, Robert Joy, Ted Levine.
Durée : 1h43
Sortie : 28 juin 2006