Syd Barrett est mort vendredi dernier. Dans l’indifférence quasi-générale… mais c’était le dernier de ses soucis. Leader du Pink Floyd des débuts, il est un des personnages les plus étonnants et légendaires de l’histoire du rock. Il avait tout pour lui : la beauté (il est devenu ensuite méconnaissable), la jeunesse, le talent, la créativité… mais l’acide lui a rongé le cerveau. Il a très vite sombré dans la schizophrénie, reclus depuis les années 70 à Cambridge, dans la cave de la maison de sa mère. Une destinée qui s’annonçait flamboyante… mais s’est consumée de la plus triste manière. Syd Barrett n’est pas le premier ni le dernier qui ait abusé du LSD, mais si d’autres s’en sont sortis, lui a touché le fond sans ne jamais remonter à la surface. Il aura tout de même vécu 60 ans, les complications de son diabète auraient eu raison de lui il y a quelques jours.
Il est de bon ton, chez certains puristes, de vénérer Syd Barrett et le premier album de Pink Floyd (après lequel Barrett a quitté le groupe)… en méprisant ce que Pink Floyd a fait par la suite. Avis que je ne partage pas, les comptines pop psychédéliques typiques du " style " Barrett me parlent moins que les longues plages envoûtantes et expérimentales du Pink Floyd des années 70. Par contre, il est incontestable que Pink Floyd a perdu son âme avec le départ de Roger Waters dans les années 80.
Le groupe a évolué après leur premier album, The Piper at the Gates of Dawn, mais rendons à Barrett ce qui lui appartient : le Pink Floyd des années 70 lui doit aussi beaucoup. Le goût pour la science-fiction, l’innovation et les passages hypnotiques qui caractériseront le Pink Floyd des années 70, on en trouve déjà les prémices dans l’excellent Astronomy Domine (vidéo du morceau live à la BBC en 1967, qui témoigne aussi de l’intérêt du groupe pour le visuel, ici). Les autres membres du Floyd n’ont d’ailleurs jamais nié l’influence qu’a exercé sur eux Syd Barrett, ni leur fascination pour le personnage, comme l’atteste Shine On You Crazy Diamond, une de leurs pièces maîtresses, dédiée à leur premier leader.
Pink Floyd était à l’origine composé de :
Syd Barrett (chant, guitare)
Roger Waters (chant, basse, guitare)
Richard Wright (chant, claviers)
Nick Mason (batterie)
Syd Barrett, défoncé en permanence, devenait totalement imprévisible, incapable d’assurer ses parties pendant les concerts (quand il y venait !). David Gilmour, ami d’enfance de Syd Barrett, a rejoint le groupe pour s’occuper des parties de chants et guitares qu’il ne pouvait plus tenir. Le groupe fonctionne à 5 un petit moment avant que Gilmour ne remplace définitivement Barrett, trop largué pour jouer quoi que ce soit.
L’emprise du tourmenté Roger Waters sur le groupe sera de plus en plus forte, et même totale sur The Wall et Final Cut, avant que Waters quitte à son tour le groupe.
Les 5 Pink Floyd : Mason, Barrett, Gilmour (en bas), Waters, Wright
S’il n’est pas nécessaire d’être fou pour composer de la bonne musique, et si tous les fous ne font pas à coup sûr de grands artistes… Pink Floyd a eu besoin du schizophrène Barrett et du paranoïaque Waters pour être mené vers les plus hautes cimes. Mais quand le sympathique Gilmour a pris les commandes… la démesure de ce groupe hors norme a quitté leurs compositions pour ne plus s’exprimer que dans de grands light-show spectaculaires… mais assez vains.
Aucun groupe de rock ne m’a passionné autant que Pink Floyd, même si les Doors, Led Zeppelin, Sonic Youth, Radiohead et Massive Attack sont aussi haut placés dans mon " panthéon personnel " (qui a dit on s’en fout ? ). La période Syd Barrett, encore une fois, n’est pas ma favorite… mais je garde tout de même " religieusement " trois de ses œuvres :
The Piper at the Gates of Dawn, premier album de Pink Floyd
The Madcap Laughs, album solo enregistré en 1970, supervisé par Waters et Gilmour. Les sessions étaient particulièrement chaotiques, pas facile d’enregistrer un album dans un état de schizophrénie avancé.
Opel, compilation sortie en 1988.
Même si cela ne transparaît pas dans cet article en fin de compte assez froid et "informatif", c'est avec une réelle émotion que je l'ai écrit. Syd Barrett restera à jamais pour moi (et beaucoup d'autres) un des artistes les plus énigmatiques et attachants. Beaucoup de musiciens flirtent avec la folie, en jouent... lui ne faisait pas semblant et s'y est engouffré définitivement il y a près de 40 ans.
Enfin... c'est ce qui se dit. D'autres pensent qu'il s'est remis des années 70 et a juste choisi l'anonymat, renonçant à cette gloire et cette célébrité qu'il trouvait absurde et sans intérêt, préférant cultiver son jardin (au sens propre... voltairien, Syd ?) plutôt que de parader sur toutes les scènes du monde. Le musicien le plus fou de l'histoire serait-il devenu le plus sage ? Difficile à croire, mais avec Syd Barrett, on peut s'attendre à tout...
Une des chansons de Syd Barrett que je préfère, tirée de Opel, au titre particulièrement psychédélique et surréaliste :
Syd Barrett - Effervescing Elephant
Quelques liens pour en savoir plus sur Syd :
Pink-floyd.org (on y trouve notamment des tablatures, paroles de chansons et beaucoup d’infos)
http://www.pink-floyd.org/barrett/
Article sur Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Syd_Barrett
Portraits de Syd Barrett, mis en parallèle avec ceux de ses "héritiers" :
http://chtif.over-blog.com/article-3260773.html
Sites sur Pink Floyd : Seedfloyd
Roger "Syd" Barrett
06/01/1946 – 07/07/2006