Pop-rock 2006 - Tôt ou tard ****
Peu de groupes de l’Europe continentale peuvent prétendre rivaliser avec les anglo-saxons. En France, il y a bien Jack The Ripper, et en Belgique, deux excellents groupes : Deus et… Venus.
Jusque-là plutôt coutumier d’une pop délicate, Venus durcit le ton sur ce Red Room (pas de rapport avec Twin Peaks). Des guitares brutes et rugueuses, des riffs bluesy accrocheurs (on ne s’étonnera pas que leur producteur ait aussi collaboré avec PJ Harvey auparavant)… mais Venus n’a pas abandonné pour autant son goût des belles mélodies. Je parlais de Jack The Ripper un peu plus haut, et, si ces deux groupes ont des univers assez différents, ils partagent, en dehors de la présence d’un violoniste, un même talent pour le " lyrisme mélancolique ". Exercice toujours difficile, beaucoup de ceux qui s’y risquent ont tendance à se vautrer dans une emphase pleurnicharde adolescente, celle-là même qui peut prêter à sourire chez Muse ou Placebo quand on a passé la puberté… On peut d’ailleurs penser à Muse sur Mother’s voice (la fin, surtout) ou Who the fuck gave you this invitation. Mais un Muse plus mature et digne. Qui dit " Muse plus mature et digne ", dit forcément Radiohead. Le " lyrisme mélancolique " de Venus est ainsi plus proche, par son intelligence et son élégance, de celui de Jeff Buckley ou Radiohead que de celui de Muse ou Placebo. Et c’est tant mieux…
On a tous en nous, non pas quelque chose de Tennesse, mais de l’adolescence. De ce mélange d’inconsolable mélancolie et de désir d’absolu, d’émotions bouleversantes qui nous plongent dans des gouffres ou nous font atteindre la plus grande félicité. Le problème, c’est qu’à l’adolescence, à moins d’être bien guidés, on ingurgite tout et n’importe quoi et ces émotions se cristallisent sur le premier groupe qui chante son mal-être sur des accords mineurs. Mais l’adolescence passée, le goût s’affine, l’esprit critique s’acère, et on ne se laisse plus prendre si facilement. Heureusement qu’existent alors des Radiohead, Jack The Ripper et Venus pour nous permettre de replonger dans cette exaltation mélancolique, sans donner la sale impression de s’embourber dans des pleurnicheries boursouflées d’ados mal dégrossis.
Pour conclure… des riffs teigneux et accrocheurs, de belles mélodies, un chant inspiré, du style, de la classe et de la hargne… que peut-on demander de plus ? The Red Room n’est peut-être pas le plus révolutionnaire des disques de rock, mais il est sans conteste dans la catégorie des grands.
Décidément, les belges ont du goût. Ils nous ont refourgué Johnny et se sont gardés Deus et Venus…
Merci à "The Pan", qui m'a fait savoir dans les commentaires que l'album était en écoute (en intégralité !) sur le site du label, à l'adresse suivante :
http://www.totoutard.com/pointEcoute.php
Formation :
Chant / Guitare : Marc A. Huyghens
Violon / Guitare : Christian Schreurs
Basse / Contrebasse : Pierre Jacqmin
Batterie / Percussions : Jean-Marc Butty
Venus - The Red Room
1. Here And Now
2. Everybody Wants To Be Loved
3. Love And Loss
4. Mother's Voice
5. Underwater
6. Everything That Rises Must Converge
7. Red Room
8. Add Stars To The Sky
9. Who The Fuck Gave You This Invitation ?
10. Northern Cross
11. I Spoke Too Soon
12. Poison
13. Unknown