1. Guide du rockeur
2. Guide du rockeur 2.0
3. Guide du rock pour les filles
4. Lexique
5. Traductions
En voilà un article casse-gueule… un mec qui se permet de dire aux filles comment se comporter dans le monde du rock, quoi écouter… de quoi me faire passer pour un horrible macho paternaliste genre « écoutez, les filles, le rock, c’est un truc de mecs, mais bon, on est au XXI° siècle et on veut bien vous tolérer si vous acceptez de suivre gentiment les préceptes suivants… »
Non, je vous rassure, il ne s’agit pas de ça… mais surtout de déductions à partir de ce que je connais des goûts musicaux et de ce que je lis des passionnées de rock (ce qui ne reste pas moins casse-gueule). J’ai été assez consterné en tombant sur un bouquin, le Guide de Survie des Filles Rock (écrit par une femme), où l’on trouve des sortes de playlists idéales pour « se pomponner », « passer l’aspirateur », « faire le ménage après une soirée rock’n’roll »… manque plus qu’une « playlist pour repriser les chaussettes de son homme »… ou « comment ne pas faire couler son mascara en pleurant à chaudes larmes sur One (de U2, hein, pas Metallica) » (si ça se trouve, ça y est… je l’ai juste feuilleté, il m’est vite tombé des mains).
Pour autant, il serait hypocrite de faire comme s’il n’existait aucune différence entre les goûts que revendiquent hommes et femmes dans le rock, hypocrite de faire comme si aimer tel groupe ou genre disait la même chose de vous, selon que vous soyez un homme ou une femme.
La plupart des catégories « respectables » définies dans le guide du rockeur sont valables pour les filles… mais il y a des nuances, nuances qui m’ont poussé me lancer dans cet article.
La « roots »
Voilà où est sans doute la plus grosse différence… il est valorisant pour un homme d’être « roots », ça l’est beaucoup moins pour une femme. Etre une passionnée de vieux blues rêches et rugueux ou de groupes rock très bruts et binaires, ça passe moins chez une fille qu’un mec… d’ailleurs, les femmes ne s’y trompent pas, la proportion de femmes chez les inconditionnels de blues rugueux est quasi-nulle. Le concept même de « roots » est associé à la virilité, à des mecs, des vrais, qui s’expriment sans chercher la joliesse, qui se foutent de débarquer sur scène dans de vieilles fringues usées et de sentir la sueur et la bière…
Pas question, bien sûr, de tomber dans le préjugé misogyne qui voudrait que les femmes soient superficielles, plus à l’affut de nouvelles tendances que de « l’authenticité »… c’est juste que l’excès de testostérone du blues et rock bien roots leur parle moins que d’autres musiques aussi authentiques ou traditionnelles (fado, musique tzigane, bossa, folk, musiques africaines). Mais prétendre que le blues serait réservé « aux hommes, aux vrais », ce serait oublier un peu vite Bessie Smith, « l’impératrice du blues »....
La « furieuse »
La catégorie « furieux » est encore majoritairement l’apanage des hommes… mais elle est déjà plus envisageable pour les femmes que la catégorie « roots ». C’est par leur côté subversif, arty, décalé et décadent qu’elles abordent en général les musiques furieuses, moins par la quête de violence et de puissance. Des Siouxsie, PJ Harvey, Karen O, Peaches ont su prouver qu’il est possible, dans le rock, d’être sauvage et provocante sans nier sa fémininité… elles ont montré que la violence rock’n’roll peut aussi aller aux femmes… mais difficile de le revendiquer sans le côté « sexy et arty ». C’est bien pour cela que le metal (qui n'a rien de sexy ou arty) est moins prisé par les femmes, et plutôt mal vu… un mec fan de metal, au fond, ce qu’il cherche à dire de lui (même s’il ne se l’avouera pas), c’est, pour caricaturer vite fait « je suis bourré de testostérone, faut bien que j’évacue un peu toute cette surpuissance qui m’habite… » (alors qu’il peut être un geek malingre et flippé… si beaucoup de geeks aiment le metal, c’est parce qu’ils y trouvent la puissance qui leur fait défaut…) Et « j’aime le martèlement martial du metal et ses grosses guitares bien lourdes», ça reste difficilement compatible avec la féminité.
Il y a bien du metal qui cible un peu plus les filles, surtout les navrants groupes gothico-kitsch à chanteuses style Nightwish ou Within Temptation… à fuir comme la peste, là, c’est prouver que vous n'avez aucun goût en matière de musique, puisque vous plébiscitez ce metal lisse et surproduit aux mélodies putassières, et aucun goût tout court, puisque vous êtes fascinée par cette imagerie heroïc-fantasy et de gothique de supermarché ».
Dandys
Avec les « dandys de l’école Velvet », on monte encore d’un cran dans les catégories revendiquées par les filles. Mais (parce qu’il y a bien sûr encore un « mais »), il y a des limites… le Velvet, bien sûr, est idéal, une manière de dire de vous « je suis mystérieuse, cool, sexy…» par contre, si vos goûts se limitent à des groupes sombres, lents, glauques, hypnotiques… vous risquez d'être plus mal perçues que vos alter-ego masculins… et rangées directement dans la catégorie dépressive… comme dans la vie. Dans une soirée, le type habillé de noir qui balance d’un air pénétré en tirant sur sa clope : « tout ça, c’est de la merde » (au choix : la musique, la soirée, le monde, la vie, l’univers…) avec un peu de chance, il passera pour une sorte d’artiste maudit ténébreux… une fille qui dit la même chose, à tous les coups, on la prendra pour une dépressive chiante. Donc, le Velvet, oui, mais les groupes de l’école Velvet, à petites doses, et pas de manière exclusive. Mieux vaut privilégier la voie royale, la voie la plus sûre et valorisante pour les filles : celle du « dandy de l’école Smiths ». Là, on a enfin une catégorie où les filles sont aussi à leur aise que les hommes… et parfois plus, elles ne risquent pas, comme les mecs, de se voir charriées par les « roots » sur les « les musique de gonzesses » qu’ils écoutent, et pour cause… Des groupes légers, sensibles, sexy, entraînants, classes, subtils… voilà enfin des qualités que peuvent revendiquer les femmes autant que les hommes dans le rock. Léger ne veut pas dire superficiel ou anodin… les Beatles, le plus grand groupe de l’histoire, en sont la meilleure illustration.
Les filles qui ont bien intégré les codes du rock, qui ont su (consciemment ou pas) comprendre ce que les goûts disent de nous et saisir comment ne pas renier sa féminité en étant accepté par le milieu rock, ont en général la plupart de ces artistes comme favoris :
Bowie, les Beatles, les Smiths, Radiohead, Jeff Buckley, Dylan, Sufjan Stevens, Elliott Smith, Libertines, Kinks, Love, Nick Drake, Roxy Music, Clash, Zombies, Air, Pixies, Damon Albarn, Strokes, Arctic Monkeys, Franz Ferdinand …
Bref, en majorité des groupes affiliés aux dandys de l’école Smiths… Vous pouvez tester votre féminité rock’n’roll en comptant le nombre de groupes que vous aimez dans la liste. Si vous avez plus de 12 bonnes réponses… (non, me tapez pas les filles, c’est une plaisanterie à la con, je me doute bien que vous n’êtes pas toutes fanas des quiz débiles des journaux féminins…)
Le milieu rock est semé d’embûches pour les filles… Il faut savoir être légère, mais pas superficielle. Compétente, mais ne pas laisser à penser que vous êtes une terne archiviste du rock (il est aussi possible de jouer les ingénues, ce qui séduit et rassure toujours les mâles). Avoir du goût sans être trop élitiste (histoire de montrer que vous avez de la sensibilité, mais que vous ne rentrez pas dans un rapport de domination). Capable d’humour et de dérision, sans tomber dans trop de cynisme. Enthousiaste (vous n’êtes pas une vieille fille), sans avoir l’air d’une groupie hystérique. Savoir s’affirmer, en restant tolérante. Etre capable d’apprécier des groupes assez sauvages (vous n’êtes pas une frêle créature qui se sent agressée par les moindres effets de distortions un peu hard), mais ne pas passer pour une fille « bourrin ». Bref, c’est tout un art… et s’il y en a bien une dans la blogosphère rock qui pratique cet art à merveille (roulement de tambours, je vais me faire détester par toutes les autres...), c’est… Alex la Baronne ! Dont l'excellent blog, Classe ou Crasse est malheureusement en stand-by depuis trop longtemps. Et si cet article pouvait l’inciter à revenir un peu plus parmi nous, il aura au moins servi à quelque chose…
Pourtant, si vous ne répondez pas aux critères ci-dessus, pas de panique, il vous est aussi plus facilement pardonné certains faux-pas dans le monde du web-rock… car les filles sont tout de même beaucoup moins représentées que les mecs, donc, on a tendance à être plus cool quand on en croise une… et, surtout, les hommes sont moins agressifs et cassants avec les femmes qu’entre eux (dit-il alors qu’il vient de publier un article sur Noir Désir…)
De plus… tout est possible… quand on sait y faire. Comme Rxqueen, qui se trouverait plutôt dans la catégorie furieux/dandy de l’école Velvet, mais qui a une bonne culture musicale et suffisamment de classe pour se permettre d’enfreindre les commandements de ce « guide du rock pour les filles ».
J’en imagine certain(e)s fulminer derrière leur écran, prêts à bondir dans les commentaires pour m’écrire « ce sont des conneries machos, tu as un siècle de retard, ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’en musique, on va forcément préférer la délicatesse à la violence »… Bien sûr, et je suis entièrement d’accord… mais revendiquer tel goût musical, c’est toujours dire quelque chose de soi… et, bizarrement, on trouve toujours assez peu de femmes prêtes à dire d’elles « je suis surpuissante et vous écrase tous » ou « je suis crade et je vous emmerde ».
Ceux qui ont lu d’un œil distrait pourraient penser qu’il y aurait du « rock pour fille », et du « rock pour mec »… fort heureusement, non. Ce serait débile, d’ailleurs… comme la société, le monde du rock a évolué (et il a lui-même en partie contribué à la faire évoluer), une fille peut parfaitement aimer des groupes assez sauvages sans passer pour un garçon manqué… de toute façon, être un garçon manqué est plutôt accepté… les filles peuvent revendiquer à peu près les mêmes goûts que les hommes… mais il y a cet « à peu près ». Parce que le rock reste, plus ou moins inconsciemment, associé à une certaine forme de virilité…
Il n’y a pas de « rock pour fille » et de « rock pour garçon », encore heureux, mais certains goûts vont mieux aux filles que d’autres, et permettent d’être parfaitement accepté dans la communauté rock, sans tomber dans les écueils « trop girlie », ou « trop mec ».
Le top 5 :
1. Beatles (parce que ce sont les plus grands, parce qu’ils sont subtils, parce qu’ils savaient de manière remarquable être légers sans faire de la guimauve)
2. Bowie (parce qu’il est ambigü, classe, fascinant, que sa musique est délicate et rock, audacieuse et sensible)
3. PJ Harvey (parce qu’aucune fille n’a autant de crédibilité rock’n’roll, et elle a su mettre un grand coup de pied dans le rock… et à genoux tous les rockeurs les plus exigeants, sans renier non plus sa féminité)
4. Dylan (les filles adorent Dylan… parce qu’il a beau jouer les cyniques, il reste ce type un peu malingre, touchant… et, surtout, ses textes)
5. The Smiths (parce qu’ils incarnent à merveille la face « sensible » du rock… sensible, sans sensiblerie à deux balles)
Bref, la règle d'or, c'est de "privilégier PJ et les trois B " (Beatles, Bowie, et Bob)
Le top 5 des groupes respectables les plus durs à revendiquer pour une fille :
1. Mötörhead (parce que c’est le symbole même de la virilité bourrin, mieux vaut, pour une fille, les considérer comme un groupe de gros lourdauds, ce qu’a fait admirablement Laiezza dans cet article)
2. Slayer (à peu près tout le metal, d’ailleurs, mais particulièrement Slayer, pur concentré de haine et de violence)
3. Ministry (à moins de ne pas craindre de passer pour une furie)
4. King Crimson (contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom, c’est le seul des 5 qui ne soit pas hard… mais être un grand fan de King Crimson, ça passe toujours plus difficilement pour une femme que pour un homme… ça fait un peu « intello austère »… préférez Pink Floyd, plus planant et moins technique)
5. AC/DC (cf. Mötörhead)
Enfin… une petite chose qui m’interpelle depuis longtemps chez les fanas de rock… le fait que les mecs semblent beaucoup plus sensibles au « groove » que les filles… rap, jazz, funk, blues, soul passionnent plus les rockeurs que les « rockeuses »… à part peut-être Ama-L, Anne et Rxqueen… alors qu’on pourrait penser que le groove séduise autant les filles… il n’y a, dans le groove, que le trip-hop qui me semble fédérer une même proportion d’hommes et de femmes chez les passionnés de rock..
Un dernier mot sur le titre… je vous avais annoncé un « guide de la rockeuse », mais j’ai changé, « rockeuse », ça rappelle l’horrible chanson de Catherine Lara, la rockeuse de diamants, qu'absolument personne ne peut revendiquer…
Le Guide du rockeur
Guide du rockeur 2.0