Vous venez de découvrir Muse et Placebo, vous pensez écouter de la bonne musique et pas la même daube commerciale que vos copains de classe... vous vivez dans un trou perdu, vous avez l'impression d'avoir bon goût parce que vous, vous n'écoutez pas Céline Dion, Johnny et Michelle Torr comme vos voisins, mais des "grands du rock", Dire Straits, Queen, U2... vous êtes décidés à partager vos goûts et votre passion du rock sur le net... n'en faites rien, malheureux ! Ou alors, lisez bien attentivement ce guide du rockeur qui vous permettra d'éviter de vous ridiculiser dans la communauté très select des fans de rock.
Etre un rockeur, c’était plus simple avant… fallait une guitare, une chevelure désordonnée, les fringues de circonstance et bien tenir l’alcool. Maintenant que le monde a changé, et que l’on a tous une autre vie sociale sur le net... s’agit de s’adapter et de savoir comment, en 2008, survivre dans l'univers sans pitié du rock. Ce premier article a pour objectif de poser les bases, viendront ensuite le "Guide du rockeur 2.0" (pour bien réussir votre entrée dans le web rock) et le "Guide de la rockeuse".
Les principes de base
Le rock est vaste, mais il est truffé de pièges. Certains groupes ou courants sont à proscrire d’emblée. En gros, tout ce qui n’est pas « cool ». Le metal symphonique (voire le metal en général), Coldplay, Keane, le rock progressif, le hard FM, Sting, les groupes pseudo post-punk pour ados débiles (Blink machin, Offspring & co, My chemical romance etc…), bref, évitez en général les groupes qui se prennent trop au sérieux (Joy Division excepté), et ceux qui ne sont pas sérieux du tout (le Bonzo Dog Doo-Dah Band excepté).
Quel que soit votre genre de prédilection, il est IMPERATIF de connaître ses classiques sur le bout des doigts : les grands du rock 60’s. Beatles, Dylan, Stones, Who, Velvet, Doors, Hendrix, Pink Floyd (avec Syd Barret, bien sûr)… et notez qu’on ne dit jamais « le Velvet Underground », « les Rolling Stones », « les Pink Floyd », mais « le Velvet », « les Stones », « le Floyd ». Il faut donner l’impression que « le Velvet », c’est vos potes, un groupe qui vous accompagne depuis toujours, pas un groupe que vous venez de découvrir et avec lequel vous gardez une certaine distance respectueuse.
Exemple 1 : On ne dit pas « j’aime bien le Velvet Underground » mais « rien ne vaut le Velvet »
Exemple 2 : On ne dit pas «J’adore Pink Floyd, Dark side of The Moon est mon album favori » (de toute façon, on ne dit pas Dark Side of The Moon, mais « Dark Side »), on dit « le Floyd, c’est devenu chiant après le départ de Barrett »
Une fois ces fondamentaux acquis, à vous de choisir parmi les artistes et courants respectables du rock… il y en a plein, dans tous les styles, aucune excuse si vous tenez tant à revendiquer publiquement sur le net votre attachement à des trucs honteux.
Pourtant… il n’est pas recommandé d’avoir un « bon goût parfait ». C’est forcément suspect. On risque de croire qu’en fin de compte, vous n’avez aucune personnalité, et que vous ne pouvez aimer que ce qui a été « écouté et approuvé » par le milieu rock. Il vous faut un ou deux trucs honteux, que vous brandirez sans complexe, histoire de montrer que vous n’avez pas peur de vous affirmez et de prouver (enfin, de faire croire) que vos goûts ne dépendent pas de ceux des autres. Le rockeur est snob, il a besoin de montrer sa différence, et de faire preuve de panache en osant – mais à petite dose - défendre ce qui est critiqué partout ailleurs. Attention tout de même, il y a des indéfendables...
Le top 5 des groupes indéfendables :
1. Tokio Hotel
2. Superbus
3. Manowar
4. Nightwish
5. Poison
Le top 5 des pires groupes qu'il est - avec beaucoup de mauvaise foi et de panache - possible de revendiquer (mais un seul dans cette liste, si vous prenez les 5, vous êtes bon pour le grand prix du mauvais goût rock'n'roll)
1. Queen
2. Bon Jovi
3. U2
4. Coldplay
5. Yes
A vous de trouver la juste mesure… et n’hésitez pas à préciser que vous n’êtes pas dupes, et que vous savez bien que tel groupe est un peu honteux.
On ne dit pas « Je suis fan de Queen », mais « entre deux Sonic Youth, il peut m’arriver de me passer un vieux U2, pour déconner ».
Dans le même ordre d’idées, il vous faut une ou deux têtes de turc (mais pas trop non plus), parmi les grands du rock. C’est un des plaisirs favoris du fan de rock : tourner en dérision un groupe devant lequel tout le monde se prosterne. N’importe quel grand… sauf trois intouchables : le Velvet, les Stooges, Tom Waits. Si vous ne comprenez rien au Velvet, c’est que vous n’êtes pas assez « cool ». Si vous ne comprenez rien aux Stooges, c’est que vous n’êtes pas assez « sauvage » (donc pas assez rock’n’roll), si vous ne comprenez rien à Tom Waits, c’est que vous n’êtes pas assez « roots ».
Le vrai fan de rock n’appartient à aucune chapelle, il n’a besoin de personne pour lui dire quoi écouter (il a un bon goût rock’n’roll inné), il doit savoir tout avant les autres.
On ne dit pas « J’ai écouté le premier album de X., il est génial », mais « J’ai été déçu par le premier album de X., je n’y retrouve pas les qualités de son tout premier EP, beaucoup plus rêche et spontané »
Il est obligatoire de dénigrer la presse rock. Sinon, vous risquez de passer pour un suiveur, un rockeur sans personnalité qui a besoin de l’avis des journalistes pour se faire le sien.
On ne dit pas « J’ai lu un excellent article sur Radiohead dans les Inrockuptibles », mais « On m’a dit qu’il y avait un papier pas trop mauvais sur Radiohead dans les inrocks » (oui, même si on n’est pas censé les lire, il faut dire « les inrocks »)
Etre un rockeur moderne
Si vous n’êtes plus tout jeune, évitez de passer pour un vieux rocker pathétique coincé dans les années 70.
On ne dit pas « Styx, Rush, ça c’était de la vraie zik, maintenant, y a plus que du rap de merde et de la pop de taffiolle genre Coldplay »… là, c’est l’exemple extrême (et il en existe des comme ça) qui cumule toutes les fautes.
Faute de goût rock’n’roll (Styx et Rush, c’est indéfendable), tout en passant pour un vieux con et un gros réac (ce qui revient au même). Le seul bon point, c'est le mépris pour Coldplay... sauf qu'il vous est retiré à cause de l'injure homophobe. Si, vraiment, vous êtes définitivement coincé dans les 70’s, dites au moins : « mon univers, c’est les Stooges, les New-York Dolls, les Pistols, les Clash, mais il y a tout de même eu quelques bons trucs ces dernières années » (par contre, là, ne surtout pas ajouter « comme la reformation des Stooges », sinon, vous perdrez toute crédibilité rock’n’roll).
La hype : un rockeur qui se respecte doit la détester, cracher dessus dès qu’il le peut… mais être au courant du moindre petit début de frémissement hype. Le tout, c’est d’avoir l’air blasé, de faire comme si vous aviez les bons réseaux, les bonnes infos, comme si tout passait par vous avant les autres… sans laisser croire que vous traînez toutes les nuits sur le web à dénicher les dernières nouveautés et à voir ce qu’en pensent Pitchfork et vos blogs rock favoris.
Sachez modérer vos enthousiasmes. Vous découvrez un nouveau groupe qui vous a emballé ? Restez un minimum mesuré, sous peine de passer pour le type qui oublie tous les grands anciens et les échelles de valeurs… vous vous retrouverez vite ridiculisé par des « Mouais, du calme, c’est tout de même pas Dylan » ou « Un chef-d’œuvre, ça ? Alors le White Album, c’est quoi ? »
Tout est dans le juste milieu… être suffisamment blasé pour ne pas avoir l’air d’un ado hystérique, mais suffisamment curieux pour ne pas avoir l’air du vieux rockeur perdu dans les décennies précédentes dont il était question ci-dessus.
Quelle culture ?
La seule culture rock ne suffit pas… là encore, tout est question d’équilibre. Si vous lisez Homère en grec ancien, ne l’ébruitez pas. Mais ne faites pas non plus comme si vous n’en aviez jamais entendu parler (Homère qui ? Simpson ??). Le rockeur a de la culture, mais juste ce qu’il faut. Le tout est de ne pas avoir l’air d’un gros bourrin inculte, ni d’un rat de bibliothèque.
Le rockeur doit-il écouter du jazz et du classique ? Oui, mais pas trop… il est snob, il a du goût, il doit avoir des références… mais ne pas avoir l'air trop élitiste. Il se doit de respecter le jazz et le classique, de prouver qu’il a ainsi une oreille suffisamment fine pour en percevoir les richesses, sans être un grand connaisseur. Pour autant, pas question de passer pour un lourdaud qui, une fois sorti du rock, n’a plus les bonnes références.
On ne dit pas « Aaah, la grande musique… j’adore le Canon de Pachelbel, l’adagio d’Albinoni et les Carmina Burana », mais « Le classique, ça peut m’arriver d’en écouter… j’aime bien me mettre un peu de Debussy et de Schumann, parfois ».
Même chose pour le jazz…. On ne dit pas « Je me relaxe en écoutant Diana Krall », mais « De temps en temps, j’aime écouter de bons vieux disques de Billie ou de Miles » (oui, car même si on ne connaît rien au jazz, même si on n’a que Kind of Blue de Miles Davis, toujours sous emballage plastique, on dit « Miles » ou « Billie », le rockeur est partout chez lui, tous les grands musiciens sont ses potes…)
Pour ce qui est de la culture populaire autre que le rock… il faut avoir des références, mais ne surtout pas passer pour quelqu’un qui s’y intéresse de trop près. Pas de « Britney qui ??? Connais pas… », c'est pas crédible, mais par exemple, un « Christophe Willem ? ça me dit quelque chose, mais j’vois pas trop… il joue dans quel groupe ?» c’est risqué, mais si ça passe, vous pourrez susciter l’admiration, et renvoyer vos interlocuteurs à leur médiocrité car eux connaissent forcément ce genre de daubes. Vous pourrez laisser entendre que vous ne regardez pas la télé, que vous ne suivez rien de l’actualité people, que vous ne gardez pas en mémoire les informations inutiles, voire même que vous n’habitez pas dans la Creuse, mais à Londres…
Maintenant, il s’agit de définir les principales catégories de rockeurs acceptables. Avec, à chaque fois, les indications nécessaires sur les groupes à aimer, les pièges inhérents à chaque catégorie et comment les éviter. En-dehors de celles-là, point de salut...
Roots ou dandy ?
Les deux catégories de rockeur les plus valorisantes sont les catégories « roots » et « dandy »
Le rockeur « roots »
C’est le vrai de vrai, le pur et dur, celui qui aime les bons vieux blues rugueux, le punk furieux et le rock foutraque et déjanté à la Beefheart. Son truc, c’est le rock 50’s, le blues, le rock garage, Johnny Cash, le MC5, Hendrix, les Stooges, Zappa, Captain Beefheart, Tom Waits, The Birthday Party, Nick Cave, les Ramones, Springsteen, les Sex Pistols, Clash (voire les Pixies, Mötörhead, AC/DC et les Stones période Beggar’s Banquet-Exile). Il aime les Doors pour leur côté bluesy, mais se doit de toujours préciser : « par contre, les solos d’orgue de Manzarek, qu’est-ce que c’est chiant ».
Il existe des variations et sous-catégories. Vous pouvez privilégier le folk-rock et le blues. Dans ce cas, vos modèles seront Johnny Cash, Dylan, Neil Young, Woody Guthrie, Tom Waits, John Lee Hooker, Robert Johnson, Blind Willie McTell etc… ou privilégier le rock punk et teigneux : MC5, Stooges, Pistols, Clash, Fugazi, Black Flag, Mötörhead...
Pourquoi "roots" dans ce dernier cas ? Parce que tout ce qui compte pour lui, c'est qu'il y ait guitare, batterie, basse, de la hargne et de la bière, le reste est superflu...
Evitez les pièges, roots ne veut pas dire « gros bourrin ». Pour cela :
- Pas question de rester coincé dans le passé… vous devez avoir aimé certaines choses – mais pas trop, sinon vous perdez votre crédibilité roots - dans les 15 dernières années, par exemple les débuts de PJ Harvey, 16 Horsepower, The John Spencer Blues Explosion, les White Stripes (même si le succès d’Elephant vous a un peu refroidi), les premiers Kings of Leon (mais vous détestez leur virage pop-rock), The Angels of Light, The Black Keys, The Bellrays, Mark Lanegan.
- Vous aimez quand ça cogne, quand c’est rêche, rugueux, mais vous avez du goût… pas question de revendiquer n’importe quoi. Nirvana doit vous laisser indifférent (beaucoup trop de succès pour vous) et interdiction formelle d’aimer le metal. C’est ce qui prouve que même « roots », vous avez du goût : vous aimez la violence et l’intensité des Stooges, mais pas la lourdeur du metal (et encore moins ses démonstrations techniques pompeuses et pas cool du tout).
Quelques grands du rock que vous pouvez vous permettre de descendre : Beatles, Bowie, Radiohead, Pink Floyd, Smiths. Attention tout de même à ne pas déraper… on a beau être roots et cash, pas de propos homophobes, le rockeur moderne est tolérant, sinon il passe pour un plouc réac. On ne dit pas « les Smiths, c’est de la musique de tapettes », mais « les Smiths, c’est de la musique de gonzesses » (parce qu’il y a une limite, tout de même, dans le consensuel, le rockeur roots est obligé de cultiver un petit côté macho)…
Les "gros mots" dans le vocabulaire du rockeur roots : synthés, violons, arrangements, remixage, sophistiqué, délicat, cristallin, romantique, planant, pop anglaise, disco, joliesse, électronique, aseptisé, girlie, Madonna, "signer chez une major", années 80.
Le rockeur « dandy »
Là, il y a deux écoles… l’école « Velvet », et l’école Smiths » (en gros, l’école américaine – enfin, surtout new-yorkaise – et l’école anglaise)
L’école Velvet. Vous aimez quand c’est cool, sombre, arty, un peu glauque, désabusé, décadent… l’idéal, c’est tout à la fois. Comme le Velvet, forcément votre groupe favori. Vous aimez aussi Dylan, Syd Barrett, les Doors, Television, les New-York Dolls, Suicide, les Stooges, Can, Captain Beefheart, Nick Drake, Bowie (surtout la période berlinoise), Joy Division, la no-wave, la cold-wave, P.I.L., Sonic Youth, les premiers Cure, Bauhaus, My Bloody Valentine, Slint. Vous détestez la power-pop et, bien entendu, vous êtes totalement hermétique au funk.
Dans ces 15 dernières années, vous devez avoir apprécié Nick Cave, Morphine, Mazzy Star, Pavement, Smog, Red House Painters, PJ Harvey, Radiohead, TV on the Radio, Shearwater, Tortoise, Mogwaï, Low, Animal Collective, Gravenhurst, le post-rock, les Liars, The Black Angels.
Le piège : passer pour un sinistre dépressif. Pour cela, il faut dans vos références quelques groupes plus légers, colorés et « positifs ». L’idéal étant Love et les Beach Boys (Arthur Lee et Brian Wilson ayant eu des destins qui forcent le respect du rockeur dandy). Pour ne pas avoir l’air trop mou du bulbe non plus, il vous faut quelques groupes plus « directs et spontanés » ; privilégiez les Kinks, Clash, Who, Pistols.
Quelques grands du rock que vous pouvez vous permettre de descendre : Led Zeppelin (trop lyrique), AC/DC et Nirvana (trop simples et carrés).
Les gros mots dans le vocabulaire du dandy de l'école Velvet : puissance, héroïsme, joie, danse, festif, pop sautillante, simplicité, rythme entraînant, efficacité, tubes, McCartney, meilleures ventes, naïf, joli, agréable, cuivres pétaradants.
L’école Smiths. Vous aimez le rock mélodique, délicat, raffiné, sensible, mais aussi le rock direct, sexy, entraînant, nerveux.
Vos favoris : Beatles, Kinks, Small Faces, Who, Love, Bowie, The Zombies, Roxy Music, Talking Heads, Nick Drake, Clash, Gang of Four, Blondie, Smiths, Pixies, Happy Mondays, Stone Roses.
Ce que vous avez aimé ces 15 dernières années : Elliott Smith, Radiohead, Divine Comedy, Sufjan Stevens, Damon Albarn, Pulp, Belle & Sebastian, Weezer, Richard Hawley, Suede, Supergrass, Arcade Fire, Andrew Bird, Libertines, The Coral, Strokes, Arctic Monkeys, Foals.
Vos références, ce sont surtout les anglais. Vous aimez la plupart des groupes qu’affectionne le dandy de l’école « Velvet », sachant que vous avez été, en général, nourri aux inrocks (même si vous ne l'avouez pas). Vous lisez la presse rock anglaise avec assiduité, NME en tête.
Les grands du rock que vous pouvez vous permettre de descendre : Queens of the Stone Age et Led Zeppelin (trop lourds), Springsteen (trop américain), Janis Joplin (trop de déballage de tripes), Hendrix (trop de solos)…
Le piège : avoir l’air « précieux » et vous faire traiter de tantouzes par la branche plouc des rockeurs roots. Pour éviter cela, aimez aussi des groupes plus teigneux qui ne sont pas en contradiction avec vos goûts, les "3 S" en tête : Stooges, Stones et Sex Pistols.
Les gros mots pour le dandy de l'école Smiths : cradingue, bourrin, puissant, rock-progressif, beauf, metal, ploucs, solo, sueur, tripes, Lemmy, gros son, lourd, Black Sabbath, grunge, Yoko Ono.
Le rockeur éclectique
De plus en plus courant depuis l’arrivée du net et la possibilité d’écouter de tout en croisant des rockeurs de toutes les obédiences. Il ne s’agit pas d’écouter n’importe quoi, bien sûr, pas de rock pour la ménagère genre Queen, U2, Dire Straits, Sting, Coldplay, Phil Collins… non, essentiellement ce qu’écoutent les rockeurs roots et dandys. Mais, généralement, l’éclectique ne se limite pas au rock, il écoute de l’électro, du hip-hop, de la soul, du jazz etc, etc…
Pourtant, il est moins gratifiant d’être éclectique que roots ou dandy. Car eux ont une identité bien affirmée, et vous risquez de passer pour un type qui ne sait pas choisir son camp. Comment y remédier ? Il vous faut pas mal de têtes de turcs sur lesquelles taper régulièrement pour bien montrer que vous n’êtes pas consensuel. Du style et une très bonne culture musicale sont aussi indispensables pour être respecté.
Lorsqu'on est un rockeur éclectique, on ne dit pas "J'écoute de tout" mais on dit "Je déteste la varièt', le metal, le rock-prog, le r'n'b actuel, la nouvelle scène française, l'ancienne scène française, les comédies musicales, le hard FM, le rock mainstream, l'accordéon, la house, le disco, mais à part ça, j'écoute de tout."
Le furieux
Pour lui, c’est simple : plus c’est bruyant, noisy, subversif, violent, mieux c’est. Le rock n’a pas vocation à toucher le public, mais à le frapper à grands coups de marteaux (-piqueurs de préférence). Il déteste la sensiblerie et, par certains côtés, rejoint le rockeur « roots ».
Son univers : Punk, hardcore, indus, électro déjantée…
Ses favoris : MC5, Stooges, Sex Pistols, Genesis P-Orridge, Minor Threat, Fugazi, Black Flag, Dead Kennedys, Einstürzende Neubauten, Mötörhead, Throbbing Gristle, Front 242, Metal Urbain, Sonic Youth, Laibach, Ministry, Nine Inch Nails, Mike Patton, Mr. Bungle, Alec Empire, Aphex Twin, Merzbow.
Piège : le gros handicap du furieux, c’est le manque de « cool » dans ses goûts quelque peu bourrins. C’est pourquoi il lui faudra montrer un minimum de distance, de dérision et de cynisme. Il ne doit pas se prendre trop au sérieux (sous peine de passer pour un psychopathe) et mettre en avant les performances arty et décalées de ses groupes indus favoris.
On ne dit pas « c’est un groupe monumental, surpuissant, le diable en personne qui remonte des limbes pour détruire ce monde abject », mais « de vrais barges, totalement fracassés, je les ai vu sur scène découper des poussins à la tronçonneuse… délire ! »
Il aime la violence, ne vibre que si les sensations sont extrêmes, mais il prend ça plutôt « cool ». C’est aussi pourquoi le furieux doit bien montrer son rejet du metal (Slayer et quelques autres sont autorisés). Un genre beaucoup trop naïf, lyrique et « premier degré » pour lui.
Concernant les « grands du rock » qu’il peut se permettre de descendre : même remarque que pour le rockeur roots.
Les gros mots dans le vocabulaire du furieux : ballade, sensible, unplugged, raffiné, symphonique, sobre, mollasson, nouvelle scène française, Coldplay, charmant, cristallin, finesse, pop, éthéré, mélodie ciselée, mélodie, McCartney, flûte traversière.
L’iconoclaste
Très risqué, il vous faudra encore plus de style et de véhémence que l’éclectique... mais, surtout une bonne dose d’humour. L’iconoclaste rue dans les brancarts, défend l’indéfendable, ridiculise les intouchables, répond U2 quand on lui parle de Joy Division… mais avec un tel panache, un tel humour, que tout lui est pardonné.
Le piège : si vous n’avez pas les épaules assez solides, pas assez d’humour, et si vous n’avez pas un minimum de connaissance de l’histoire du rock et des goûts « autorisés », vous risquez d’être totalement ridicule. Il faut au moins avoir l'humour, le talent et la capacité de s'affirmer de Christophe (Pop-Hits) pour se permettre d'être un iconoclaste repectable et respecté, c'est dire si c'est périlleux...
L’ultra-snob
Il existe des ultra-snobs roots, dandys, furieux, éclectiques… l’ultra-snob, c’est celui qui n’écoute que des groupes totalement inconnus, et les rejette dès qu’ils commencent à avoir un petit début de notoriété. Pour lui, les groupes qui vendent sont des vendus. Même les intouchables.
C’est une posture particulièrement difficile pour deux raisons :
1° l’ultra-snob épate au début, en balançant des noms de groupes que personne ne connaît, mais il est difficile de converser avec lui… ça finit par devenir lassant de lui répondre à chaque fois « connais pas… » « jamais entendu parler… » « qui ça ? » « de la néo-cold-wave lithuanienne ??? »….
2° raison : maintenant que tout est accessible sur le net, les groupes obscurs dont parle l’ultra-snob, on peut les écouter… et c’est là que le présupposé bon goût de l’ultra-snob en prend un coup.
Certains, plus malins que d'autres, savent jouer de dérision pour court-circuiter ces critiques (par exemple Lyle, sur J'écoute de la musique de merde).
Impossible de lister ici des noms de groupes que pourrait écouter l'ultra-snob, il nierait illico. Sa hantise, c'est tout ce qui est référencé et "officialisé".
Il n'est pas obligatoire de se cantonner à une catégorie, vous pouvez prendre un peu dans chaque... encore faut-il savoir le faire intelligemment.
Si vous devez choisir... ne commencez pas par l'ultra-snob et l'iconoclaste, ce sont les plus casse-gueule. Le dandy de l'école Smiths a un avantage, vous pouvez vous enthousiasmer plus que les autres sur les nouveautés, et défendre la notion de "plaisir immédiat et pop"... mais le problème, c'est qu'il est généralement une des cibles favorites des rockeurs roots et furieux. Le dandy de l'école Velvet est plus polyvalent, il peut s'entendre avec ceux de l'école Smiths, les roots, voire même avec les furieux. Le roots est intéressant car il vous permet d'éviter les pires critiques pour tout fan de rock, voir ses goûts taxés de pompeux, superficiels, hype, mollassons, naïfs, lisses...
Maintenant, vous ne pourrez plus dire qu'on ne vous a pas prévenu...
1. Guide du rockeur
2. Guide du rockeur 2.0
3. Guide du rock pour les filles
4. Lexique
5. Traductions