Film de James Mangold 2006
Le principal intérêt de la sortie de Walk the line en France, c'est de faire découvrir un " mythe " aussi important qu'Elvis aux EU, mais mille fois moins connu que le King par ici. Evidemment, il y a peu de chances que les français se ruent massivement pour voir la vie (enfin, une partie de la vie) de Johnny Cash au cinéma. Le film ne risque pas de faire autant d'entrées que les bronzés 3. Les EU ont Johnny Cash, on a les bronzés.. chacun ses mythes. Cash est un mythe pour d'innombrables raisons. Sa voix et ses textes, bien sûr, le fait qu'il ait réussi à incarner la musique populaire américaine en mariant très simplement et naturellement le folk, la country, le rock, le gospel et le blues. Cash incarnait la musique américaine.. et le coeur de l'Amérique. En s'adressant aux taulards, aux marginaux, aux paysans, aux ouvriers, aux indiens, à tous ceux qui ne sont pas nés avec les dieux de leur côté, en étant leur voix, il était celle de tous les américains, de tous ces descendants des exclus de l'Europe. Johnny Cash a une indéniable dimension christique, et pas uniquement pour ses initiales. En France, on a aussi notre J-C qui oeuvre sans démagogie aucune au nom des démunis, qui a su faire sienne leur souffrance et mettre fin comme promis à la fracture sociale. Chacun sa croix, chacun son Christ... Mais revenons-en au sujet. Walk the line, sans être le film du siècle, est tout de même très réussi. La seule bonne excuse pour ne pas aller le voir est de ne pas aimer la musique de Johnny Cash. Ceux qui aiment " l'homme en noir " ne le manqueront pas, et ceux qui ne le connaissent pas combleront une lacune de taille en passant un agréable moment, selon l'expression consacrée. Les deux acteurs principaux (Joaquin Phoenix en Johnny Cash et Reese Witherspoon en June Carter) crèvent l'écran. Joaquin Phoenix est bluffant dans la peau de Cash, mais aussi dans sa voix. Après, quelques inconditionnels de Cash trouveront sûrement à redire, certains estimeront que l'on caricature leur " prophète "... espérons juste qu'ils ne seront pas scandalisés au point de vouloir tout faire sauter. A priori, prendre Ludwig van B. de Bernard Rose comme référence pour parler de Walk the Line peut sembler tiré par les cheveux. Pourtant, ces deux films ne sont pas si éloignés l'un de l'autre. Ils sont assez sobres, n'en font pas trop (contrairement aux excessifs Amadeus de Forman ou The Doors d'Oliver Stone), et se focalisent avant tout sur une histoire d'amour émouvante. Peut-être pour rendre plus aimables les sombres et torturés Beethoven et Cash. Pour permettre au spectateur lambda " d'apprivoiser la bête ". Ils se rejoignent aussi dans la mise en avant du père cruel lié à un épisode traumatisant de l'enfance, dans l'appesantissement sur la déchéance (alcool et drogues pour l'un, surdité et associabilité pour l'autre) et la " rédemption " par la musique : triomphe de la IXè Symphonie pour Beethoven, concert à la prison de Folsom pour Cash. Deux films qui ne révolutionnent pas le cinéma, mais qui ont le mérite d'être honnêtes et sensibles. Cash et Beethoven... étrange comparaison, je l'admets. Ils partagent cependant le fait d'être des "statues du commandeur". Beethoven est la référence incontournable et indépassable pour tous les musiciens du XIXè, Cash l'est pour tous les musiciens américains, qu'ils jouent du folk, du rock ou de la country. Mais son influence s'étend bien au-delà des frontières américaines... Walk the line ne traite pas de toute la vie de Cash, préférant se concentrer sur les années 50 et 60 (avec une première partie retraçant les moments importants de sa jeunesse), et c'est peut-être pas plus mal ainsi. Car le Cash des années 70 et 80 n'a pas été très passionnant. Mais, du coup, il ne montre rien des années 90, pourtant une des périodes les plus créatives de Cash revenu, grâce à Rick Rubin, alors que personne ne l'attendait plus, avec des albums magnifiques. Le premier de cette " seconde vie ", American Recordings est peut-être son meilleur - toutes époques confondues. Un vrai trésor intemporel et inusable à consommer sans modération. Une des qualités du film, c'est d'arriver à faire sentir la spécificité de Cash et de sa musique face aux rockeurs de l'époque (avec lesquelles il entretenait plutôt de bons rapports). La gravité, l'authenticité de Cash d'un côté, l'exubérance des show-men qu'étaient Jerry Lee Lewis et Elvis de l'autre. Mais on peut regretter que ne soient pas suffisamment mis en avant ses textes, à part cette phrase qui fit couler beaucoup d'encre I've killed a man in reno, Just to watch him die, textes qui font de Cash le " père spirituel " de Dylan (il disait de Cash " Il est le plus grand des plus grands "). Dommage aussi que les relations très respectueuses et touchantes entre ces deux voix d'une Amérique profonde (dans les deux sens du mot, ce qui semble généralement inconciliable) n'aient pas été abordées. Enfin, on ne peut pas tout avoir, ne boudons pas notre plaisir... I have a dream... comme disait l'autre. Un rêve où le prénom Johnny, en France, ferait instantanément penser à Cash, pas à l'autre pénible ersatz d'Elvis, devenu pathétique interprète de daubes obispiennes.. Obispo, lui-même ridicule caricature des Beatles. Comparer Halliday à Elvis ou Obispo aux Beatles, un sacrilège... dans ce cas Lorie, c'est Patti Smith, et Kyo, c'est Led Zeppelin. Mon rêve est en train de virer au pire des cauchemars. L'anti-américanisme est un sport national en France. Faut dire qu'il est particulièrement simple à pratiquer tant l'Amérique nous offre de la matière. Mais sur certains plans, les français ont tout intérêt à faire profil bas. Johnny Cash et Bob Dylan d'un côté de l'Atlantique, Maurice Chevalier et Charles Trénet de l'autre... Si vous ne connaissez rien à la musique de Cash, je conseille très vivement une nouvelle fois et en premier lieu American Recordings, puis un best of comme celui sorti dernièrement "Johnny Cash - Ring of fire The Legend of... ", et American III Solitary Man. Extrait d' American Recordings : Thirteen Facile à jouer, mais bien évidemment impossible de rivaliser avec Cash pour ce qui est du chant. Couplet : Am D Am D C Am (x2) Refrain : D Am D Am D C Bm G Am Jouer le Am avec alternance du si et du do sur la corde de si. Bad luck wind been blowin' at my back I was born to bring trouble to wherever I'm at Got the number 13 tattoed on my neck When the ink starts to itch, then the black will turn to red I was born in the soul of misery Never had me a name They just gave me the number when I was young Got a long line of heartache, I carry it well The list of lives I've broken reach from here to hell Bad luck wind been blowin' at my back I pray you don't look at me, I pray I don't look back I was born in the soul of misery Never had me a name They just gave me the number when I was young