En plus de sortir des albums de très grandes qualité, tel Ladies first, un des meilleurs de l’année dernière, Jack the Ripper s’avère aussi être un formidable groupe de scène. Ce samedi, j’ai eu la chance de les voir en concert à Rognes. Je parle de chance… mais tout semblait réuni pour un concert raté. Le groupe jouait la veille à Genève, et, à cause des intempéries, ils se sont retrouvés bloqués sur la route et ont joué avec 2 heures de retard. Ils sont arrivés en se faufilant parmi la foule pour installer leurs instruments sur la scène. Et faire la balance, devant un public qui attend depuis un bon moment, avec deux guitaristes, un clavier, un batteur, un bassiste, un trompettiste et une violoniste, c’est loin d’être évident. Ajouté à cela que leur violoniste était malade et a été remplacé au pied levé par une amie (chapeau bas), que la scène était à peine surélevée et qu’il n’y avait aucun jeu de lumière, juste un éclairage un peu trop fort (l'image ci-dessus provient de leur site et d'un précédent concert)… Difficile de voir Jack the Ripper dans de plus mauvaises conditions.
Pourtant, leur prestation a été une grande claque. Principalement pour deux raisons. La première, c’est que leur musique prend une toute autre dimension en " live ". Elle devient beaucoup plus intense, urgente, catharsistique, sans pour autant perdre de sa poésie et de son élégance. Si des effets d’éclairage se seraient mariés à la perfection à leur musique, celle-ci est malgré tout suffisamment expressive et envoûtante pour se suffire à elle-même. Et le chanteur a une telle présence scénique qu’il n’a finalement pas besoin de grand-chose pour captiver l’attention.
La seconde… c’est justement le chanteur. De la trempe des grands. Parce qu’en l’écoutant et en le voyant, on pense à Jim Morrisson, à Robert Plant, à Bowie ou encore Nick Cave, même s’il a son propre " style ". Comparaisons excessives, sans doute, mais à la hauteur de l'impression qu'il m'a laissé. Parce qu’il est habité par ses chansons comme peu le sont. Parce qu’il est inquiétant et émouvant, sauvage et vulnérable… toujours sur le fil du rasoir. Parce qu’il a une voix étonnante et encore plus fascinante sur scène que sur disque (où il est pourtant déjà très bon). Parce qu’il n’est pas là pour faire un récital, mais semble chanter chaque note comme si sa vie en dépendait. Parce que, à l’image d’un Jim Morrisson, il ose un lyrisme et une théâtralité qui ne sont jamais grotesques et lourdingues. Et c’est peut-être là le plus remarquable chez Jack The Ripper. Leur musique, loin, très loin de la mollassonne nouvelle scène française ne craint pas les envolées lyriques, sans tomber dans le pompeux et le pompier kitsch comme l’ont fait Queen ou la plupart des groupes de heavy-metal. Et Arnaud Mazurel, le chanteur, en est la parfaite incarnation.
Jack the Ripper sur scène, c’est l’anti-Vincent Delerm. Un retour à un rock intense, à vif, flamboyant, inspiré, ambitieux, " décomplexé ", lyrique et révolté qui nous ramène aux meilleurs groupes des années 70 (Led Zeppelin, les Doors…). Mais ils n’ont rien d’un groupe nostalgique arrivant après la bataille. Ils ne sont pas un des innombrables clones de Led Zep… On peut parfois penser au Bowie période Hunky Dory, mais aussi à Nick Cave et par endroits aux excellents 16 Horsepower, mais leur musique a suffisamment de personnalité et de style pour ne pas souffrir la comparaison. L’anti-Vincent Delerm, disais-je, parce qu’il y a chez eux de l’urgence, de la fièvre, du panache, un romantisme à la fois onirique et rageur à mille lieux de l’autre. Et à mille lieux de notre époque cynique, apathique, du regard distancié de mise, du post-modernisme flasque et de la mièvrerie des pseudos-artistes qui squattent les ondes et les émissions de télé.
Pour vous en rendre compte par vous-même, j’ai placé leurs prochaines dates de concert dans la colonne de gauche.
Si vous ne connaissez pas leur musique, j’ai mis un lien à la fin de ma chronique de Ladies First vers un titre à écouter (Old stars).
Trois titres live :