De l'avis (presque) général sur les blogs rock, le dernier Queens of the Stone Age est une déception. Tout le monde (ou presque) en attendait beaucoup, mais l'album n'a pas été à la hauteur des espérances, selon l'expression consacrée. Et je partage totalement ce point de vue. Certes, l'album n'est pas honteux, un mauvais QOTSA vaut toujours mieux qu'un bon Green Day, mais Era Vulgaris n'a pas le souffle, la puissance et les mélodies imparables de ses prédécesseurs.
Pourtant, il y a un titre que je sauve du lot. Et, mieux que ça, un titre que je considère comme un des morceaux rock les plus réussis de ces dernières années.
La "magie" de River in the Road, c'est d'arriver à allier trois éléments totalement opposés dans un tout parfaitement cohérent. C'est par l'instrumentation que se crée cette opposition très originale :
1. Le rythme : la batterie martèle un rythme particulièrement martial, carré, répétitif, voire technoïde.
2. L'accompagnement : les guitares à l'inverse, sont chaotiques, dissonantes, malades, malsaines... dignes du meilleur Sonic Youth.
3. La mélodie : le chant est mélancolique, émouvant, lyrique... il flotte nonchalamment au-dessus du magma sonore créé par les guitares et la batterie.
S'ils étaient des personnages... la batterie de River in the Road serait le plus obtus des militaires, les guitares un rockeur anarchiste défoncé au dernier degré et le chant un rêveur délicat et sensible. Les 3 ont des buts inconciliables, le premier veut instaurer l'ordre, le 2° le désordre, et le 3° souhaite un monde meilleur.
Mettez ces trois personnages dans une même pièce, vous n'en tirerez rien de bon. Au mieux, ils ressortent au bout de 5 minutes pensant qu'ils n'ont absolument rien à se dire, au pire, il n'y en a qu'un seul qui sort après avoir massacré les deux autres. Mais voilà, ce qui est impossible dans la vie l'est dans la musique. Dans River in the Road, les 3 fusionnent à merveille et créent un tout qui transcende la somme des parties.
De nombreux moyens permettent aux groupes de rock de marier les contraires. Le plus simple, c'est de faire succéder dans un album des morceaux aux ambiances différentes. Des chansons rock et des ballades, par exemple. Rien d'extraordinaire, tout le monde fait ça, ne serait-ce que pour des raisons commerciales. Encore faut-il être à l'aise dans les ballades comme dans les titres plus nerveux. Ensuite... il y a la possibilité de faire coexister dans un même titre plusieurs ambiances. Alterner des passages lents et mélancoliques et d'autres plus dynamiques. Les groupes de rock progressif et de metal-prog usent et abusent de ce procédé, très courant dans la musique classique... mais il faut un vrai sens de l'architecture musicale pour en faire quelque chose de bien, et n'est pas Beethoven qui veut. C'est ainsi qu'on se retrouve avec des floppées de groupes dits "progressifs" qui ne comprennent pas que de coller des plans, des riffs et des passages divers les uns derrière les autres demande un grand sens de la forme - qu'ils n'ont pas - pour composer des morceaux esthétiquement valables et cohérents.
Et, enfin, reste le fait de superposer des éléments opposés. Plus rare, plus compliqué, mais passionnant quand ça fonctionne. Et si River In The Road est aussi réussi... c'est parce que QOTSA parvient à faire de cette alliance des contraires une évidence. De l'alchimie, et de la bonne, comme vous pourrez vous en rendre compte par vous-même :