2006 Au diable Vauvert *****
James Flint - Electrons Libres (The Book of Ash)
Quand Thom a demandé aux blogueurs musicaux d'écrire sur un livre (et aux blogueurs littéraires sur un album...) j'ai tout naturellement pensé choisir Bret Easton Ellis, mon auteur favori depuis une quinzaine d'années. Après le "choc" qu'a été le dernier Bret Easton Ellis en 2005, le génial Lunar Park, je pensais que toute lecture d'un nouveau roman serait forcément décevante. Mais la découverte du premier roman de James Flint, Habitus, m'a heureusement fait mentir. A tel point que je n'ai pu m'empêcher d'enchainer avec la lecture de son 2°, Electrons Libres. Et là, nouvelle claque. Quand, à la fin de la lecture d'un roman, vous n'avez qu'une seule envie, en lire un autre du même auteur, c'est bon signe. Si ce roman était son tout premier, c'est très bon signe. Et quand à la fin de la lecture de son 2°, vous êtes toujours autant emballé... pas de doutes, vous tenez là un écrivain qui mérite les meilleures places dans votre bibliothèque. Soit, pour ce qui me concerne, aux côtés des Bret Easton Ellis et Henry Miller. Mais bon, je m'égare, le but est de vous donner envie de lire un livre qui me tient à coeur, pas de vous ennuyer en vous exposant la manière dont je range ma bibiliothèque.
Alors... venons-en au bouquin. Dans Electrons Libres, il est question de recherche du père, et de physique nucléaire. C'est donc assez mal parti pour vous donner envie de le lire. Je sais pas vous, mais moi, si je tombe sur les termes "recherche du père" et "physique nucléaire" dans la chronique d'un roman, je fuis illico. Les deux étant chacun synonymes d'ennui profond. Mais ce qui différencie un auteur moyen (ou médiocre) d'un bon auteur, c'est que là où l'auteur moyen ne tire rien d'extraordinaire des thèmes les plus originaux et passionnants, le bon auteur est captivant même dans les thèmes les plus bateaux, ennuyeux ou casse-gueule. Et James Flint est un très bon auteur.
Dans Electrons Libres, ce n'est pas tant le désir de renouer des liens qui motive le personnage principal à partir en quête de ce père qui l'a abandonné et qu'il croyait mort... Non, s'il est encore vivant, il a plus l'intention de lui envoyer son poing dans la gueule que de lui tomber dans les bras. D'ailleurs, il enverrait bien son poing dans la gueule des 3/4 des individus qu'il fréquente, s'il n'était pas si lâche et faible. Du coup, c'est un parfait anti-héros qui fait naître chez le lecteur deux puissantes envies contradictoires : celle qu'il lui arrive enfin quelque chose de bien, et celle de lui balancer de grands coups de pieds au cul, qu'il sorte un peu de son cynisme et cesse de se voir comme un éternel loser. Un personnage loin de son auteur, qui, lui, a tout de "l'homme idéal". Tout d'abord... James Flint est romancier, ce qui est déjà plutôt classe. Quoique Pascal Sevran l'est aussi, et si une floppée de qualificatifs peuvent lui convenir - qualificatifs que je n'énumèrerais pas sous peine de tomber dans trop de vulgarité - peu de personnes ont aussi peu de rapport avec le mot "classe". Mais je m'égare à nouveau...
Donc, James Flint est écrivain, et un excellent écrivain dont les deux premiers romans sont deux coups de maître. Mais vous n'avez encore rien vu. Cet homme sait tout faire. C'est un artiste (romancier, saxophoniste et jazzman, photographe, cinéaste), féru de sciences et technologies (il a été rédacteur pour le magazine scientifique Wired, adore la S-F, bidouiller des ordinateurs et a passé une partie de ses années de fac à bosser sur un nouvel outil pas encore rentré dans les moeurs et les foyers en 1993... le web), et a étudié la philosophie, la psychologie et la littérature à Oxford et Warwick. Il confesse aussi dans sa bio un goût pour le haschisch et les filles qui ne lui a malheureusement pas permis d'aller au bout de tous ses projets, il a fait quelques petits boulots, a pas mal voyagé à travers le monde et, comme en témoignent ses livres, il a beaucoup d'humour. Qui dit mieux ? Et dire qu'il y a des filles qui fantasment sur des pop-stars débiles... non, vraiment, soyez un peu plus ambitieuses et passionnez-vous pour ce type hors du commun. Oui, je sais, j'use des stratagèmes les plus bas pour vous pousser à lire ses livres, et j'en remets même une couche en plaçant sa photo :
A la lecture de sa bio, on ne s'étonnera donc pas que ses livres soient si riches et passionnants. Car si la "quête du père" et le nucléaire sont deux des thèmes majeurs d'Electrons Libres, le roman brasse bien d'autres sujets. La réflexion sur la science et le nucléaire (tout à fait accessible à des non-initiés comme je le suis) s'accompagne d'une réflexion tout aussi profonde et originale sur l'art. Et les liens père-fils ne sont pas exclusifs, il est question par de nombreux flash-back de son enfance dans une communauté hippie, dépeinte avec un humour assez féroce et jubilatoire, comme ses catastrophiques relations amoureuses. Et le tout se lit comme un polar captivant, puisque ce que cherche le héros, c'est avant tout la découverte qu'aurait fait son père, un artiste iconoclaste ayant travaillé sur des déchets radioactifs, découverte révolutionnaire qui fait trembler les autorités politiques, scientifiques et militaires. Et dire que tant de gens perdent leur temps à lire les bouquins de Dan Brown, alors que ceux de James Flint sont à la fois bien mieux écrits, bien moins "politiquement corrects" et recèlent des énigmes et des quêtes beaucoup plus vertigineuses...
Electrons Libres, c'est le genre de romans dont on ne se dit pas "quelles sont les bonnes raisons pour vous donner envie de vous y plonger", mais plutôt "existe-t-il au moins une seule bonne raison pour ne pas le lire ?" J'ai beau chercher, je n'en vois pas l'ombre d'une...
L'avis de Thom
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