Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

Playlist 2024

Classements d'albums

17 août 2007 5 17 /08 /août /2007 15:17

Jazz         1960/Candid *****

max-roach-copie-3.jpg

Lee Hazlewood nous a quitté il y a deux semaines, le voilà rejoint par un des plus grands musiciens du XX° siècle, Max Roach, décédé hier à l'âge de 83 ans (1925-2007). Il est dans l'usage de surévaluer les morts, surtout pendant la période de deuil où les superlatifs pleuvent, mais il sera difficile de surévaluer Max Roach qui était déjà depuis longtemps considéré comme le plus grand batteur de jazz, donc... le plus grand percussioniste moderne. Max Roach n'a pas seulement révolutionné le jeu de batterie, il a aussi contribué à révolutionner le jazz - en étant à l'origine du be-bop avec Parker, Gillespie, Monk et quelques autres - et plusieurs de ses albums resteront comme des monuments du jazz, tel l'indispensable We Insist! Max Roach's Freedom Now Suite. Mais avant d'en parler plus en détail, deux albums auxquels a participé Roach et dont il serait dommage de se priver : 
- Roach était le batteur "logique" de l'historique The Greatest Jazz Concert Ever, concert de 1953 (au Massey Hall, Toronto) dont l'enregistrement a été baptisé de la sorte par la suite car on y trouve la formation jazz la plus impressionnante qui soit :

Charlie Parker au sax (qui apparaît sur le disque sous le nom de "Charlie Chan")
Dizzy Gillespie à la trompette
Bud Powell au piano
Charles Mingus à la contrebasse
Max Roach à la batterie

La "dream team" des génies du jazz moderne, avec 5 musiciens qui sont devenus les références absolues pour leurs instruments. Les conditions n'étaient pas idéales (voir la chronique sur ma jazzothèque), mais, bien évidemment, la magie opère.

- Autre "réunion au sommet", l'album Money Jungle, avec Ellington au piano, Mingus à la contrebasse et Max Roach à la batterie. Soit le plus grand compositeur de l'histoire du jazz accompagné par la section rythmique la plus remarquable qu'on puisse imaginer. Rien que ça.

Max Roach est un musicien fondamental pour tous les grands courants du jazz moderne. Le be-bop, dont Kenny Clarke et lui sont les deux batteurs emblématiques, le hard-bop, par ses albums avec le trompettiste Clifford Brown, et le cool-jazz, car c'est lui qui tient la batterie sur l'album à l'origine du genre, Birth of the Cool de Miles Davis. Dans We Insist ! ... on trouve même des éléments de free-jazz avant l'heure.

We Insist! Max Roach's Freedom Now Suite
(1960) regroupe les musiciens suivants :

Max Roach, drums 
Abbey Lincoln, vocals 
Coleman Hawkins, tenor saxophone on "Driva Man" 
Walter Benton, tenor saxophone 
Booker Little, trumpet 
Julian Priester, trombone 
James Schenk, bass 
Michael Olatunji, conga drums on "Tears for Johannesburg" 
Raymond Mantillo, percussion on "Tears for Johannesburg" 
Tomas du Vall, percussion on "Tears for Johannesburg"

Un album révolutionnaire à tous points de vue, car rarement un disque de jazz n'a été aussi engagé politiquement et novateur sur le plan musical. Et les deux vont ici de pair. Ce qui n'est pas toujours le cas, certains musiciens engagés se limitent parfois à la force du texte, et la musique, secondaire, n'a qu'une bête fonction d'accompagnement. Pas de ça pour un musicien de la trempe de Max Roach. Il ne se contente pas des textes (écrits par Oscar Brown) pour défendre la cause des noirs, mais réussit à créer une musique en parfaite adéquation avec le propos. Il l'"africanise", par les rythmes utilisés, et le chant de la belle Abbey Lincoln, loin de celui souvent chargé d'émotion et de séduction des divas du jazz, est revendicateur, incantatoire, allant jusqu'à un passage fait de cris de rage.

Ironie de l'histoire, Max Roach, un des grands génies du jazz les moins médiatisés et les plus actifs pour défendre la cause noire, décède le jour des 30 ans de la mort d'Elvis Presley, le blanc qui a "tout pris aux noirs" et en a retiré la plus grande gloire (mais je ne renie pas le formidable talent du King pour autant, il n'est d'ailleurs pas responsable du fait que l'Amérique blanche des années 50 avait besoin d'une idole... blanche). Du coup, on ne parlera jamais les 16 août des décennies à venir des 10 ans de la mort de Max Roach, de ses 20 ans etc... mais des 40 ans ou 50 ans de la mort d'Elvis... Dans un monde idéal, les hommages et anniversaires posthumes n'auraient pas grand intérêt, des musiciens de la qualité de Max Roach ne seraient jamais oubliés des médias et fêtés quotidiennement, mais nous ne sommes pas dans un monde idéal... 

Deux extraits de l'album, en live :

Le premier commence par un solo de Max Roach, Abbey Lincoln ne chante qu'à la fin de cet excellent titre :





Dans cette deuxième vidéo, Abbey Lincoln est omniprésente. Elle débute par un extrait du premier titre de l'album, et poursuit avec la montée vers le passage paroxystique dont je parlais précédemment, avec les cris et une impressionnante batterie :



Max Roach -  We Insist! Max Roach's Freedom Now Suite
 
(textes d'Oscar Brown)

  1. "Driva Man" – 5:10
  2. "Freedom Day" – 6:02
  3. "Triptych: Prayer/Protest/Peace" – 7:58
  4. "All Africa" – 7:57
  5. "Tears for Johannesburg" – 9:36

Une dernière vidéo de Max Roach, avec un live plus récent et un excellent morceau de Roach à la batterie seule, ici

Je ne me suis pas étendu sur la biographie de Roach, mais ce n'était pas nécessaire puisque Thierry vient de la résumer parfaitement dans cet article indispensable pour mieux cerner Max Roach, sur Jazz Blues & co.

Partager cet article
Repost0

commentaires

U
<br /> up<br /> <br /> <br />
Répondre
G
JOCELYN : Merci, le hasard fait bien les choses...
Répondre
J
Je tombe ici par hasard : très beau billet. 
Répondre
G
Olivier : pas de problème, c'est le genre de choses qui arrive... et je ne suis vraiment pas du genre à me formaliser pour ça !Par contre, désolé de ne pouvoir t'aider, mais je n'ai qu'une version de ce concert et je ne sais pas du tout quelle est la meilleure. Il faudrait poser cette question à un blogueur vraiment spécialisé en jazz...
Répondre
O
Désolé pour la confusion, j'espère tu n'as pas été froissé. <br /> Je vais me procurer "We insist!". Et probablement beaucoup d'autres disques - "majazzothèque" sera d'une grande aide pour combler certains vides, comme Bud Powell dont je n'ai aucun enregistrement. <br /> Juste une petite question : parmi la multitude de versions du concert de Toronto, j'ai crû comprendre qu'il valait pieux éviter celle doublée par Charles Mingus. Peux-tu indiquer celle qui qui te paraît être la meilleure ?<br /> Amicalement,<br /> Olivier
Répondre
G
Salut Olivier,Merci pour ton commentaire. Le texte n'est pas de Christian... à moins que ce ne soit de son message dans les commentaires dont tu veuilles parler.Sinon... je n'écoute pas TSF, mais s'ils ne glissent pas un mot sur la mort de Max Roach, je me dis que je ne regrette pas de les ignorer !Bonnes écoutes des disques de Roach que tu n'as pas encore (elles ne pourront de toute façon n'être que bonnes...) et à bientôt ! 
Répondre
O
Christian,Merci pour ce beau texte qui me donne envie de découvrir tout ce que je ne connais pas encore de Max Roach, ce qui me promet de merveilleux moments d'écoute.Je ne sais pas si c'est bienvenu sur cette page, mais tant pis, j'en profite pour exprimer la profonde déception que m'inspire la radio TSF, que j'écoute beaucoup, et qui a tout simplement ignoré l'évènemment.Amicalement,Olivier
Répondre
G
Jdm, merci pour les liens. J'irai tout de même avant voir chez mon disquaire s'ils n'ont pas l'album.L'album "drums unlimited" de Roach que tu mets en lien n'est pas une compilation, mais un véritable album.
Répondre
J
Out Front, Man of words est icihttp://www4.fnac.com/Shelf/article.aspx?PRID=705130&OrderInSession=1&Mn=3&Mu=-13&SID=48819041-c6c1-9ec1-3dd4-34675eab1c04&TTL=210820070743&Origin=FnacAff&Ra=-28&To=0&Nu=3&UID=08637be77-8992-8c6e-a90e-0d62f6fd920e&Fr=0Max Roach drums, The drum also Waltzes, làhttp://www4.fnac.com/Shelf/article.aspx?PRID=1543237&OrderInSession=1&Mn=53&SID=48819041-c6c1-9ec1-3dd4-34675eab1c04&TTL=210820070743&Origin=FnacAff&Ra=-28&To=0&Nu=2&UID=08637be77-8992-8c6e-a90e-0d62f6fd920e&Fr=0Aucune pub intéressée de ma part.Il y a des variantes sur le titre Waltzes (par exemple "drums", qui pourrait se conjuguer au singulier). L'album Max Roach drums n'est-il pas une compilation ? Je suis sûr que vous avez la réponse à cela :)
Répondre
G
Oui, merci Christian : ces deux titres sont beaux et émouvants à en pleurer... faut absolument que je me trouve cet album. Je suis allé voir sur priceminister, mais il n'y est même pas... va falloir attendre un peu, mais ce sera à coup sûr un de mes prochains achats en CD !  
Répondre
J
Merci Christian,pour moi, en particulier pour Drums Also Waltzes et Man Of Words.
Répondre
C
Extraits ici : http://www.under-globe.org/forum/viewtopic.php?id=999et ici pour "Man Of Words" : http://www.under-globe.org/forum/viewtopic.php?id=760&p=2Mais surtout fonce et va acheter, ce disque est sublime.
Répondre
G
Christian : Il ya plusieurs disques dont tu parles que je ne connais pas, et tu m'as donné envie de mettre la main dessus au plus vite. Surtout "Out Front" !D'accord avec toi sur le fait que mourir à 83 ans, après une telle vie, après avoir fait tout ce qu'il a fait, cela n'a rien de triste. Même si apprendre la mort d'un homme remarquable fait toujours un peu peine...Jdm : Je ne savais pas que Basquiat lui avait consacré une toile, merci pour l'info et pour le lien. Le Salt peanuts dont tu parles, avec les autres grands génies du jazz moderne, est justement extrait du Concert à Toronto de 1953.   
Répondre
J
Et pour insister sur la qualité d'inventeur reconnue de Max Roach, on peut rappeler que Jean-Michel Basquiat lui a consacré une toile, Max Roach, 1982ici : http://www.mastercopy.biz/Jean-Michel-Basquiat/max_roach_lg.jpget un disque, Basquiat Salutes Jazz, où Max Roach intervient dans Salt Peanuts (avec Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Bud Powell, Charles Mingus) et It's You Or No One.[dommage qu'on ne puisse pas mettre d'image dans les commentaires]
Répondre
C
Je copie-colle le mot que j'ai laissé chez Thierry :Oui, un bon papier sur cet énorme musicien. Il m'est dificile d'exprimer l'importance qu'a eu Max Roach tout au long de mes écoutes de jazz.Je me permets juste de compléter par quelques mots :- l'album Study In Brown du quintet Clifford Brown / Max Roach est un de ceux qui revient le plus chez moi- et que dire de sa collaboration avec Booker Little et Eric Dolphy sur "Out Front" (1961) ! Ce disque est magique, d'une intensité rarement égalée. Pas joyeux certes,on y atteint même des sommets de tragédie musicale, notamment sur Man Of The Words et Moods In Free Time, grâce notamment aux couleurs qu'apporte Mac Roach. Au sommet de mon panthéon personnel.- j'adore aussi sa formation de percussionnistes M'Boom !- et les disques de son quartet fin 70 / début 80, avec Odeon Pope, Cecil Bridgewater et Calvin Hill. Quelle puissance !- et + le quatuor à cordes de sa fille Maxine, cela donne le Double Quartet : une expérience inédite et fascinante- et pour finir n'oublions pas ses duos avec Abdullah Ibrahim, Archie Shepp, Cecil Taylor ou Anthony Braxton.Voilà, mais mourir à 83 ans n'a rien de triste à mes yeux. Belle vie, belle carrière
Répondre
S
Oui, Thierry! Ce serait cool si tu retrouvais une motivation ;-) SysT
Répondre
S
Très bel hommage à ce superbe batteur... je crois que tu as tout dit...SysT
Répondre
G
Thierry,Ton article est un excellent résumé de la carrière de Max Roach, il est parfaitement complémentaire du mien, je le mets donc en lien à la fin de mon article... J'espère que l'envie de continuer à bloguer te reviendra, même sous une forme "allégée", ton blog le mérite !
Répondre
T
Et mourir le jour du trentième anniversaire de la mort d'Elvis, c'est rock, très rock ...
Répondre
T
Salut G.T., tu m'as battu sur ce coup-là... J'ai appris la nouvelle cet après-midi au boulot alors que je venais de mettre un "nouvel" album d'Ellington en circulation. Coquin de sort !Je ne pouvais que réagir (très succintement grâce à un article "copié-collé" car je n'ai toujours pas vraiment retrouvé l'envie de bloguer) à cette triste nouvelle qui vient ponctuer une période bien morose ...Merci donc pour ton article bien plus fouillé !@++
Répondre